
Chloe Mayot
Senior Cataloguer
€50,000 - €70,000

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Sale Coordinator

Specialist

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Deputy Chairman
L'œuvre figurera dans le Catalogue Raisonné de Sam Szafran actuellement en préparation par Madame Julia Drost.
Provenance
Collection particulière, France (acquis directement auprès de l'artiste)
Dans le calme hospice de son atelier solitaire chauffé par un poêle, une ancienne fonderie d'aluminium découverte en 1974, Sam Szafran dévore avec une fièvre, que seule vient éclairer une insondable tristesse, ses créations d'une délicatesse infinie. Cet antre, à nul autre pareil, lui est un refuge pour son âme, de même qu'il lui est un lieu de rencontre, où artistes et amis se retrouvent.
Une boîte de pastels, qui lui fut un jour offerte, sera de son art la révélation, de même que ce petit coffret devint le liant entre l'artiste et le maître pastelliste qui nous confie cette œuvre. Ils avaient en partage, outre leur admiration réciproque, un amour inconditionnel pour ses petits bâtonnets dont les 1653 teintes étaient concoctées dans le secret d'un art savamment gardé par les sœurs Roché. L'artiste pastelliste et collectionneur se souvient encore de l'unique ampoule de quarante watts qui éclairait la pièce de son halo tendre, où venait déjà se fournir Degas.
L'intimité du papier offre à Sam Szafran la liberté qu'incombe à l'immédiateté, à l'envoûtement né de l'obsession. Finesse et géométrie s'y rencontrent avec grâce, un peu comme dans la poésie de Gérard de Nerval, qui était en quête du nombre d'or, inlassablement. L'artiste aime le théâtre mental de Raymond Roussel, ses simulacres dont les enchevêtrements sont l'écho de son art. Le thème de l'escalier apparaît l'année de la création de l'œuvre que nous présentons, en 1974. Les oscillations de l'artiste dépeignent ici de façon sculpturale l'ombre tragique d'un palier, la volute d'une rampe, les oves et les ourlets de quelques marches, avant de plonger dans la spirale labyrinthique de la cage d'escalier, située au sixième étage de la rue de Seine à Paris, où vit son ami le poète Fouad El-Etr. Le souffle de la nuit toujours étendait son manteau de velours sur les longues veilles de l'artiste. En filigrane, apparaît la figure humaine, précaire et originelle.
Chaque œuvre donne ainsi à résoudre des problèmes de lumière, d'harmonie et de cohérence spatiale, dont il se joue jusqu'au vertige. « Je me suis emparé d'un thème, comme un voyou s'empare d'un territoire. En partant de la ville, de la rue, des escaliers » explique-t-il. Sujet séminal de sa création, les escaliers se déploient et s'enchevêtrent dans ses œuvres jusqu'à l'envahissement onirique. Car le peintre ne retient du réalisme qu'une certaine idée du réel auquel il inflige une torsion, née de la vision mouvante de l'œil. Nées d'images focales multiples, ces marches étourdissantes et anamorphosées ne sont pas sans lien avec le cadrage cinématographique, dont Sam Szafran dit qu'il a été sa première rencontre avec l'art.
Dès l'âge de quatre ans, il se réfugie en effet dans les salles obscures, se laissant habiter par les univers de Fritz Lang, Orson Welles ou d'Alfred Hitchcock et joue même un rôle de figurant dans le film French Cancan de Jean Renoir en 1954. A cette passion s'ajoutera plus tard son amour des œuvres des maîtres anciens comme Dürer, Holbein ou Altdorfer qui lui révèlent l'art de la ligne.
La fleur de pastel ou l'empreinte ténébreuse du fusain, comme une caresse, affleure chaque papier de ses audacieuses perspectives qui métamorphosent ces escaliers en huis clos inquiétants et impénétrables. Ses œuvres ne manquent pas d'attirer l'attention de Claude Bernard qui le prend dans sa galerie en 1964, année bénie puisqu'il épouse Lilette Keller. Un an plus tard, le collectionneur Jacques Kerchache organise sa première exposition personnelle. Sa palette vivante, des attentes crépusculaires aux samedis ensoleillés, lui demande une infinie patience puisque l'artiste restitue avec un soin de géomètre les ombres portées à chaque heure du jour.
La rétrospective, magistrale, consacrée à l'artiste au musée de l'Orangerie à Paris du 28 septembre 2022 jusqu'au 16 janvier 2023 attira près de 340 000 visiteurs, preuve de l'amour indéfectible que lui porte les collectionneurs et le public.
Entre l'inquiétante étrangeté de ses escaliers et le raffinement accompli de ses teintes discrètes, l'art de Sam Szafran oscille entre la chimère et la précision, jusqu'aux confins de l'abîme. Funambule au regard pénétrant, le peintre se sert de son crayon avec une rare sensibilité et rend avec une grâce inégalée sa part rimbaldienne à nos petits quotidiens ignorés.
In the quiet sanctuary of his solitary studio—a former aluminium foundry discovered in 1974—heated by a lone stove, Sam Szafran etches furiously his infinitely delicate creations, his fever illuminated only by an unfathomable sadness. This den, resembling no other, is a refuge for his soul, as well as a meeting place where artists and friends gather.
A box of pastels given to him one day would be the revelation of his art, just as this small box became the link between the artist and the master pastellists who entrusted us with this work. In addition to their mutual admiration, they shared an unconditional love for the little sticks, whose 1,653 shades were concocted in the secrecy of an art skilfully guarded by the Roché sisters. The pastel artist and collector still remembers the single 40-watt bulb that lit the room with its soft halo, where Degas himself used to come to stock up.
The intimacy of the paper medium offers Sam Szafran the freedom that comes with immediacy, along with the rapture inherent to obsession. Finesse and geometry meet gracefully in his art, somewhat like in the poetry of Gérard de Nerval, who tirelessly sought out the golden ratio. The artist loves Raymond Roussel's mental theatre, for the entanglements of the author's simulacra echo his own art. The theme of the staircase appears in 1974, the year the work we are presenting was created. The artist's oscillating perspectives sculpturally depict the tragic shadow of a landing, the volute of a banister, the ovals and hems of a few steps, before plunging into the labyrinthine spiral of the stairwell on the sixth floor of the Rue de Seine in Paris, where his friend, the poet Fouad El-Etr, lives. Invariably a night breeze would spread its velvet cloak over the artist's long vigils. In filigree, the human figure appears, precarious and primal.
Each work thus presents questions of light, harmony and spatial coherence to be solved, with which he toys to the point of vertigo. 'I seize upon a theme, like a thug seizes upon a territory. Starting with the city, the street, the staircases,' he explains. A seminal subject in his oeuvre, staircases unfold and intertwine in his works to the point of a compulsive dream. Indeed the painter retains of realism only a certain idea of reality, to which he inflicts a twist implied by the wandering vision of the eyes. The result of several focal images, these dizzying, anamorphic steps are not unrelated to cinematic framing, which Sam Szafran says was his first encounter with art.
From the age of four, he took refuge in darkened cinemas, immersing himself in the worlds of Fritz Lang, Orson Welles and Alfred Hitchcock; he even played an extra in Jean Renoir's 1954 film French Cancan. This passion was later complemented by his love of the works of old masters such as Dürer, Holbein and Altdorfer, who revealed the art of the line to him.
The pastel flower or the shadowy imprint of charcoal, like a caress, traces his bold perspectives on each paper surface, thus transforming the staircases into disturbing and impenetrable claustrophobic spaces. Needless to say his works attracted the attention of Claude Bernard, who took him into his gallery in 1964, a blessed year during which he married Lilette Keller. The following year, collector Jacques Kerchache organised the artist's first solo exhibition. His vivid palette, nurtured by untiring observation ranging from twilight to sunny Saturdays, required infinite patience, as the artist reproduced the shadows cast at each hour of the day with the precision of a surveyor.
The remarkable retrospective dedicated to the artist at the Musée de l'Orangerie in Paris from 28 September 2022 to 16 January 2023 attracted nearly 340,000 visitors, proof of the unwavering love that collectors and public alike hold for him.
Be it the unsettling strangeness of his staircases or the accomplished refinement of his subtle hues, Sam Szafran's art swings from imaginary to precise, until the very edge of the abyss. A tightrope walker with a scrutinizing gaze, the painter uses his pastel pencil with rare sensitivity and renders with unparalleled grace his Rimbaldian contribution to our trite daily lives.