Footnotes

Provenance
Collection de l'artiste
La présente oeuvre est vendue par le Fonds Claude et France Lemand au profit des Artistes et de l'Institut du Monde Arabe


Kamel Yahiaoui, né à Alger en 1966, grandit dans la Casbah familiale. Kamel dit encore aujourd'hui qu'il lui sembla débarquer dans un autre monde lorsqu'il quitte l'environnement populaire de cette maison pour s'installer à Alger et étudier à l'Ecole des Beaux-Arts. Il y bénéficie d'une excellente formation de peintre, alors que la peinture demeure à Alger le medium central de la transmission esthétique, sous l'influence d'une exceptionnelle génération de peintres fidèles à la toile et extrêmement actifs dans la seconde moitié du XXe siècle - parmi eux Mesli, Issiakhem, Khadda et Benanteur.

Kamel va au-delà de la volonté d'ancrage identitaire portée par la génération précédente et engage une réflexion sur l'importance des symboles dans la société contemporaine, dans l'esprit de la sémiologie que Roland Barthes avait appliqué à ses Mythologies. Cette démarche matricielle est particulièrement sensible dans le processus d'élaboration de Géographie du corps.

Au moment où il commence cette œuvre, Kamel Yahiaoui est en proie aux mêmes tourments que de nombreux artistes et intellectuels algériens, qui ont subi de plein fouet « la décennie noire » des années 1990 : à savoir l'assassinat de l'écrivain Tahar Djaout en mai 1993, du directeur de l'Ecole des Beaux-Arts d'Alger, d'Ahmed Asselah et de son fils en mars 1994 ainsi que l'exil forcé de nombre d'entre eux. La Géographie du corps porte en elle ces drames et leur immense douleur.

Cette œuvre bénéficie d'une place de premier ordre dans l'histoire de la production de Kamel Yahiaoui. Le souvenir toujours présent du père, colosse exténué par les travaux harassants, la hantise de sa propre disparition, suggérée par l'empreinte des mains de l'artiste ainsi que la cartographie mentale d'un désastre, réminiscence du Bœuf écorché, offrent à cette œuvre de multiples références biographiques et culturelles et une grille de lecture à plusieurs niveaux. Elle étonne par son unité, malgré la diversité des matériaux qui la composent : tatami, papiers collés, crayon, peinture, puis galon de tissu incrusté en 2020.



Kamel Yahiaoui was born in Algiers in 1966, grew up in the Casbah where his eyes and curiosity were sharpened. Kamel still says today that arriving from the Casbah and its working-class environment at the School of Fine Arts in Algiers was to land in another world. He benefited from an excellent training as a painter, because painting remained in Algiers the central medium of aesthetic transmission, with the influence of an exceptional generation of painters faithful to the canvas, active in the second half of the twentieth century, whilst being fundamentally anti-colonialists, like his peers Mesli, Issiakhem, Khadda and Benanteur.

For Algerian artist Kamel Yahiaoui, art is political. His works have a great resonance with the colonial and postcolonial history and the political and social questions of his time. His subversive search for truth is carried out through the filter of his subjectivity, of a long and complex work of aesthetic elaboration, making the work meaningful, well beyond the moment of its production, undoubtedly because it touches on a nodal point which establishes between the work of art and us this intersubjectivity so difficult to achieve. Geography of the body-Lebanon is a masterful example, which speaks to us of difficult times, in Algeria twenty years ago, in Beirut today, wherever humanity is abused.2

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